Bourse/Finance
Le marché du travail US envoie un message clair à la Fed et aux investisseurs
Le rapport sur l’emploi américain d’août confirme le ralentissement de l’économie et ouvre la voie à une baisse de taux dès septembre. Mais la situation reste paradoxale, entre fragilisation du marché du travail et inflation toujours tenace.
Des chiffres de l’emploi en demi-teinte
Le mois d’août a apporté un nouveau coup de projecteur sur la fragilité de l’économie américaine. Selon Christian Scherrmann, économiste en chef pour les États-Unis chez DWS, les créations d’emplois non agricoles se sont limitées à 22 000 postes, contre 79 000 en juillet. Le ralentissement est manifeste, particulièrement dans le secteur de la production de biens, qui a perdu 25 000 emplois. Même les services – longtemps moteur de la croissance de l’emploi – marquent le pas, avec 63 000 postes créés contre 85 000 un mois plus tôt.
Cette dégradation se traduit par une remontée du taux de chômage, passé de 4,2 % à 4,3 %, soit son plus haut niveau depuis octobre 2021. Cela représente 148 000 chômeurs supplémentaires. Les tensions se diffusent désormais au-delà des secteurs directement exposés aux droits de douane, affectant aussi la santé, les services sociaux et l’éducation. « Le marché du travail s’éloigne de l’équilibre du plein emploi, ce qui accroît le risque d’une hausse plus rapide du chômage », avertit Scherrmann.
Pourtant, une lecture attentive révèle des paradoxes. En parallèle de ces chiffres moroses, les données globales de l’emploi font état de 288 000 personnes supplémentaires ayant trouvé un travail en août. Une divergence statistique qui brouille les signaux adressés à la Réserve fédérale (Fed).
La Fed entre inflation et ralentissement
À quelques jours de sa réunion du 17 septembre, la banque centrale américaine se retrouve face à une équation complexe. Les marchés estiment à 99 % la probabilité d’une baisse des taux directeurs de 25 points de base, selon les contrats à terme sur Fed Funds. Une deuxième réduction dès octobre est jugée probable à 55 %.
Pour Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France, la décision de la Fed dépendra largement du dernier rapport sur l’emploi. « Un mauvais rapport validerait définitivement une baisse de taux en septembre, mais renforcerait le sentiment d’un ralentissement économique. À l’inverse, un bon rapport ferait douter du rythme des ajustements monétaires alors que l’inflation reste proche de 3 % », explique-t-il.
Le Beige Book de la Fed, publié la semaine précédente, souligne déjà une stagnation, voire une baisse des dépenses de consommation. De nombreux ménages voient leurs salaires incapables de suivre la hausse des prix, particulièrement dans un contexte de tarifs douaniers qui renchérissent les intrants et la consommation. Le consensus attend désormais une progression des salaires limitée à 3,7 % sur un an (contre 3,9 % le mois précédent), un signe de modération mais aussi de perte de pouvoir d’achat.
La Fed doit donc arbitrer entre deux risques : celui d’un ralentissement trop marqué de l’économie et celui d’une inflation persistante. Une baisse de taux en septembre apparaît comme un compromis : soutenir l’activité sans envoyer de signal d’automatisme. Comme le rappelait récemment le président de la Fed de New York, « les marchés ont tiré leurs propres conclusions », mais l’institution reste attachée à une approche guidée par les données.
Sources : Christian Scherrmann (DWS), Alexandre Baradez (IG France), Federal Reserve (Beige Book).